rockwell-goodturn

La BA, ou comment aider son prochain

Michel Seyrat a écrit un texte de réflexion très intéressant sur la BA, la « bonne action ». A lire et à commenter en maîtrise !

« Être utile aux autres est le loyer qu’on paie pour vivre sur cette terre.» (Baden-Powell)

AIDER SON PROCHAIN

scout-helping-old-ladyOn s’est beaucoup moqué de la « BA » scoute, les mots « bonne action » transcrivant ce que Baden-Powell qualifiait généralement de good turn, de bon tour joué à quelqu’un, c’est-à-dire un service rendu tout simplement, « en passant », sans chichi. La transcription française « moralise », solennise ce geste, appelé plus tard « geste fraternel », sans lui ôter pour autant son côté « boy scout » et un peu niais. Pourtant initialement c’est une suggestion éducative toujours très utile au 21e siècle.

La proposition de penser à rendre chaque jour un service à quelqu’un développe plusieurs capacités importantes aujourd’hui : le sens des autres, le sens de l’observation, le regard « ludique » sur le quotidien, l’empathie, la bonté. Et, par la même occasion, il crée une formidable «  image de marque » au scoutisme tout en lui assignant une perspective mondialiste utile et positive.

VERS LES AUTRES
On reproche à notre société de conforter l’individualisme et l’égoïsme ; par ce geste BP ouvre l’esprit des jeunes aux autres. On n’est pas seul au monde, la satisfaction de soi n’est pas la seule à rechercher, rendre service est un don, aux divers sens du mot : je donne et je reçois, car j’en suis heureux, je développe le «  don » d’altruisme, je génère de l’amitié, etc. C’est la manifestation concrète de « l’ami de tous », de la Loi. Cela place l’enfant et le jeune dans le monde réel, un monde où il peut agir, voire qu’il peut influencer. Rendre service est donc aussi une éducation civique.

LES YEUX OUVERTS
BP attachait beaucoup d’importance au développement de l’observation ; la BA y contribue et en dépend. Il s’agit d’être en éveil pour remarquer un service à rendre, un coup de main à donner. Par là, on n’est pas indifférent à son entourage et au monde, on développe sa connaissance de l’humanité, on ouvre son esprit, on noue des relations. On éteint son téléphone portable pour allumer son regard. Il ne s’agit plus d’un monde virtuel, ou hostile, ou lointain, mais du mouvement des hommes dans lequel on cherche à agir pour y prendre place positivement.

DANS UN JEU
En lançant ce défi d’une BA chaque jour, BP crée un jeu multiple. Un jeu à jouer avec soi-même : comment réaliser ce « bon tour » ? Un jeu avec les autres : quelles seront les réactions ? Un jeu avec le monde : « quelque chose foire que je peux corriger »… Dans un monde opaque, fermé aux jeunes, le désir de rendre service met du jeu, ouvre des fissures, esquisse des chemins, provoque des dialogues, crée des liens. Ce regard ludique sur le quotidien dédramatise un monde où l’hyper information entoure l’enfant et le jeune de « mauvaises nouvelles » incessantes et changeantes, et lui permet d’y prendre place simplement.

D’autant plus que BP recommande de se souvenir chaque fin de journée du bon tour joué ce jour-là et à qui, non pour se glorifier (encore qu’un peu d’auto satisfaction ne fait pas forcément du mal) mais pour revoir les circonstances et y réfléchir, dans une démarche de conscientisation formatrice.

UTILE ET GRATUIT
Dans ce système de la BA, on trouve une distinction importante entre gratuité et rémunération. Dans l’esprit du fondateur, le scout ou la guide devrait pouvoir gagner dans des petits travaux utiles le prix de son équipement, mais en revanche, le geste de la BA est obligatoirement gratuit. Il s’agit d’apprendre ce distinguo entre un travail, qui reçoit rémunération, et un service, geste de fraternité. Dans le monde développé, où la course au gain bat son plein, le scoutisme rappelle de rester disponible à des bonheurs gratuits, dont rendre service fait partie parmi d’autres.

DE L’INDIVIDUEL AU COLLECTIF
Cet apprentissage de la disponibilité aux autres prépare à des engagements adultes pour rendre le monde un peu meilleur. La devise des aînés du scoutisme « Servir », donne l’objectif visé pour les mouvements scouts et guides mondiaux : constituer une fraternité universelle de service. Comme toujours dans l’éducation par le scoutisme, il s’agit de développer une forme d’humanité active, ouverte, altruiste, pacifique, énergique qui construise à chaque génération un monde où chacun puisse s’épanouir sans écraser personne et où un sentiment fraternel relie les humains.

UNE IMAGE PARLANTE
Pour Baden-Powell, la BA est une joyeuse suggestion, un défi en forme de jeu, dont le but éducatif, on l’a vu, est élevé, mais qui n’a rien d’un devoir culpabilisant : c’est un engagement personnel, de soi avec soi. Il ne s’agit surtout pas d’en faire un système avec évaluation et tutti quanti…

On peut se demander quelle place prend le service dans les propositions d’activités des groupes ou des mouvements : comment apportent-ils une aide dans des situations difficiles, des secours, du soutien ? Les mouvements ont des possibilités réelles, par la formation apportée aux jeunes et leur organisation associative. Il ne s’agit pas d’enfermer le scoutisme dans un auxiliariat de service public, mais de bien l’inscrire dans la pâte sociale, alors que certains groupes ont parfois tendance à tourner sur eux-mêmes dans un entre soi scout sympathique mais isolant !

TOUS ENSEMBLE
Pour conclure, on peut remarquer qu’avec le sens du service, BP a offert au mouvement une extraordinaire image de marque à faire pâlir les spécialistes modernes du marketing : scoutisme = service, scout = BA. Bien sûr c’est réducteur, mais ça marche encore et je pense que les organisations mondiales, nationales, locales, gagneraient à organiser plus souvent des « opérations de service » concertées et concentrées qui feraient beaucoup pour la conquête de l’opinion. Et seraient de belles démarches d’éducation civique.

NB.: Dans le livre « Baden-Powell, pas à pas », édité par les Presses d’Ile de France, sur les 1000 citations relevées, 56 évoquent directement le service des autres. En voici une, plutôt percutante­­ : « Être utile aux autres est le loyer qu’on paie pour vivre sur cette terre.»

Document au format PDF à télécharger

goodturn-1

Email this to someoneShare on FacebookTweet about this on TwitterShare on Google+Pin on Pinterest