La pédagogie de la liberté

(…) En l’espace de six années, le Mouvement se transforme profondément, et tant l’aspect extérieur que les principes fondamentaux, sur lesquels il s’appuyait encore en 1966, sont en voie de disparition au moment où le départ de Raphy Bensimon, nous le verrons, accentue les cassures. Pour tenter d’y voir plus clair, nous allons nous concentrer successivement sur quatre sujets différents: la mixité, la pédagogie du Judaïsme, le principe de progression dans les différentes branches et le principe de la hiérarchie.

La mixité

Dans le domaine de la coéducation et de la mixité, le tournant est marqué par le Conseil National de 1969. Jusque là, les règles du jeu sont plus ou moins claires : depuis le sabordage de la F.F.E., en 1964, la branche fille a été complètement intégrée au Mouvement en tant que branche constituée. C’est-à-dire qu’il existe deux branches moyennes côte à côte, dont les programmes et les directions ne sont pas toujours exactement correspondants. La réalité sur le terrain paraît être plus complexe, dans la mesure où, très souvent, les effectifs filles ont tendance à s’affaiblir avec les années. Dans une société où la mixité des activités, dès avant 68, se répand de plus en plus, des activités uniquement féminines semblent perdre de leur attrait. C’est le constat qui est fait au moment du Conseil National de Port-Mort :

« Pourquoi une coéducation ? Le jeune évolue dans une société mixte, où, de plus en plus s’affirme une identité des rôles de l’homme et de la femme, et qui permet à la femme de prendre une importance plus grande que par le passé. [...]

L’école également tend de plus en plus à donner un enseignement mixte : Les nouveaux lycées, C.E.S., C.E.G., mettent en présence filles et garçon et ont pour souci de développer chez eux plus un travail d’équipe qu’un travail individuel.

Nous devons ici faire la différence entre éducation mixte et co-éducation.

En mixité, l’éducation s’adresse indifféremment aux filles et aux garçons (éducation scolaire mixte par exemple). La co-éducation serait par contre une éducation destinée à des filles et à des garçons, mais tenant compte des particularités dues à leur sexe.»

Les décisions du C.N. entraînent la fusion de la branche féminine à l’intérieur de la branche masculine. Troupes et compagnies disparaissent, pour laisser la place à « l’unité » branche moyenne, formée d’équipes filles et d’équipes garçons. A la place du chef de patrouille ou de la cheftaine de clan apparaissent les animateurs d’équipes, que l’on désignera bientôt de manière abrégée par le nom de «zadek». Il n’y a plus qu’une seule direction de branche, bien entendu. Cette évolution, qui présente bien des traits d’une véritable révolution, est rendue possible par l’expérience nouvelle qu’ont vécue les nouveaux animateurs au sein de la «promo», que ce soit ceux de la promotion «Harishonim», qui entrent en animation en septembre 1966, où ceux de la promotion «Bâtisseurs» qui les rejoignent sur le terrain un an plus tard :

« (…) Après les E.E.D.F. et la coéducation, c’était au tour des S.D.F de nous proposer une autre voie (…). Nouvelle tenue scoute, nouveau scoutisme ; les E.I. nous paraissaient de plus en plus «ringards», sans véritable projet.

A l’automne 1967, une même génération de chefs et cheftaines qui se connaissaient depuis deux ans devenaient responsables d’unités, avec l’envie de faire bouger le mouvement.

A l’automne 1968, comme nous avions l’impression que cela n’avançait pas très vite aux E.I. un certain nombre de responsables d’unités de Paris et de Toulouse ont commencé à se réunir pour mettre au point (…) une nouvelle méthode BM : co-éducation, nouvelle tenue scoute (…), nouvelle terminologie BM, nouvel insigne incorporant le trèfle des éclaireuses.

La première réunion du «groupe Paris» a eu lieu chez Laurence Aberdam (Colibri) et les réunions se sont poursuivies à l’étage d’un café pas loin de Ségur ! L’objectif était d’arriver ?entre nous? à un minimum commun de pratiques scoutes co-éduquées pour les camps d’été 1969. C’est notamment lors d’une de ces réunions qu’a été inventé le mot Zadek (contraction phonétique de : deS Animateurs D’Equipes) pour désigner les nouveaux C.P. et C.C. ? plus jeunes ? de la nouvelle branche moyenne.

(…) Suivant ainsi les idées avancées par le «Groupe Paris», la troupe «Samson» (que je dirigeais) et la compagnie «La Montagne» (dirigée par Nicole Fayman : Jitka ont choisi de prendre le nom de leur groupe local «Chéma Israël» dans le train de retour d’un camp volant en Ecosse et aux îles Shetland en juillet 1969, nouveau nom et nouveau foulard : les foulards rouge et vert de la troupe «Samson» et les cravates bleu bordé de gris de la compagnie «La Montagne» étaient remplacés par le foulard vert bordé noir de «Chéma Israël», unité co-éduquée.»

Tout le monde ne va pas suivre immédiatement les nouvelles directives. Certains groupes locaux, comme Strasbourg, par exemple, vont conserver des compagnies séparées des troupes jusqu’en 1974 ! Mais d’autres unités vont plus loin. Moins de deux mois après le Conseil National, un camp d’été réunit sur le terrain du Mont Dore trois unités, Nancy, Nantes et Aix-en-Provence qui ont pour caractéristique commune d’être passées au stade de la mixité des équipes, soit bien au-delà de la co-éducation envisagée. Si, en 1969, c’est un phénomène encore marginal, il va se répandre de plus en plus, contraignant ainsi la branche moyenne à vivre sur trois rythmes différents.

Le développement de la coéducation et de la mixité a également d’autres conséquences. Jusqu’où doit-elle aller? Y-a-t-il des limites légales ou morales à ne pas dépasser ? Dans un pays où problèmes de relations garçons-filles et éducation sexuelle sont de plus en plus d’actualité, le problème des «tentes mixtes», qui se pose officiellement à partir de 1972, est un sujet d’autant plus sensible qu’il touche directement à l’éthique juive du Mouvement.

La pédagogie du Judaïsme

Dès le départ, et à l’image des équipes précédentes, l’un des soucis de Raphy Bensimon et de ses collaborateurs est d’élever le niveau de connaissances juives des membres du mouvement, de donner un contenu au minimum commun, qui se réduit trop souvent à des pratiques effectuées par habitude. Il faut donc donner des contenus aux valeurs juives. Pour ce faire, trois moyens vont être utilisés concurremment :

- les stages de formation, que ce soit spécifiquement des séminaires d’études juives ou des interventions pendant les stages de formation généraux ;

- les publications, en particulier Contact ;

- et enfin, toute une série de fiches techniques, dont l’influence sur le mouvement est extrêmement importante.

Le phénomène des fiches techniques n’est pas nouveau. Dans le domaine du Judaïsme, des fiches techniques de très bonne qualité avaient été diffusées à la branche éclaireuse en supplément de la section Israélite au journal de la F.F.E. «Le Trèfle». Mais le travail entrepris à la fin des années soixante est à la fois beaucoup plus systématique et beaucoup plus ample. Il s’agit de véritables petites publications, dans lesquelles une double ligne de rédaction est suivie : un premier niveau destiné aux animateurs, comprenant à la fois une description et une analyse du sujet; un deuxième niveau destiné à traduire éducativement le sujet dans les activités.

Il faut réserver une place particulière, parmi les très nombreuses fiches techniques publiées en l’espace de six ans (plus d’une trentaine), aux manuels de prière : pour aider les animateurs comme les éclaireurs, sont édités des offices du matin, du shabbat (soir et matin), une birkat hamazone commentée (action de grâce après le repas) et un recueil de zemiroth (chants poétiques entonnés au cours des repas du shabbat). Ces publications ont une importance qui demande à être soulignée : leur qualité, tout d’abord, fait qu’elles seront rééditées à plusieurs reprises et deviendront extrêmement populaires. Le deuxième point est qu’elles vont déterminer peu à peu une définition E.I. de la prière. L’intention des auteurs était pourtant inverse :

« La Birkat Hamazone est l’une des occasions qui permettent la réalisation d’une vie juive authentique au camp. Elle présente l’avantage d’un contact plusieurs fois quotidien, ce qui offre ainsi la possibilité d’une approche plus vécue du judaïsme.

Encore faut-il que cette répétition d’un même texte ne soit pas prise au jeu de la routine, et que, n’étant point une machinale redite -la lecture du texte soit un acte que l’on fait consciemment et en en connaissant la signification.

Le fascicule que voici a l’espoir d’apporter des éléments qui permettront d’atteindre ce but ».

L’existence d’un texte de prière écrit et apparemment officiel va figer la tradition de prière E.I.. Une conception nouvelle du minimum commun se constitue peu à peu, qui intègre ainsi un «minimum commun de prière», qui très souvent devient, en réalité, un «maximum commun».

Le danger de figer la vie juive est perçu par l’équipe du Quartier Général, ainsi que l’importance de la progression dans ce domaine :

« (…) Mais cette vie juive (dans les unités E.I.) faut-il la réglementer, faut-il la définir? C’est ici qu’intervient la notion de minimum commun.

Le minimum commun a été conçu comme le moyen de faire vivre à tous une vie juive authentique (…)

En tout cas, le minimum commun ne devrait pas être un règlement figé, une loi qu’il faut satisfaire parce qu’elle est loi. Il doit être la possibilité d’une progression dans les connaissances

L’un des aspects de ce développement de l’éducation juive, sensible de plus en plus chez une partie des dirigeants des E.I., est la redéfinition du concept même de Judaïsme, au-delà d’une simple identité religieuse. Ce concept d’un Judaïsme global apparaît de façon claire lors de la préparation du Conseil National de 1973, dans lequel il est prévu que la pédagogie du Judaïsme sera le sujet central des débats :

« Le point le plus important, dans l’état actuel des choses (en 1973, en France) est de montrer aux jeunes que le Judaïsme ne se limite pas à une sphère particulière, notamment qu’il n’est pas (ou qu’il n’est pas seulement) une religion. Ceci permettrait assurément que soient levés un certain nombre de faux obstacles, et que soit rendue possible une connaissance plus véritable de l’« héritage » à transmettre (…)

Nous l’avons souligné et le soulignerons, la vie juive n’est que l’une des composantes de l’être juif qu’il faut faire découvrir dans sa globalité: le problème se poserait peut-être d’une manière moins passionnelle si chacun acceptait ce théorème pour base de travail.» (c.f. Ibid)

Il est difficile cependant aux cadres issus de milieux plus traditionalistes d’accepter ce genre de postulat. Après Israël, après la mixité, l’attitude vis-à-vis du judaïsme devient, en cette année 1973, l’une des sujets de conflit entre les responsables du Mouvement.

La progression des branches et la question hiérarchique :

Un autre sujet de discorde complète cet ensemble, et il concerne, lui, le côté proprement éducatif. Entre 1966 et 1973, toute une partie des principes de l’éducation scoute sont remis en cause.

Première grande transformation, la mise au point de la Branche Perspective, de 15 à 17 ans, que l’on finira par appeler « les Pifs » (Perspectives Israélites de France). Cette branche, lancée définitivement au printemps 1968, est l’aboutissement de plusieurs faits et expériences. De manière globale, tout d’abord, cette évolution rejoint différentes évolutions perceptibles dans la société, et qui ont tendance à creuser la différence entre les âges pré-adolescent et adolescent. La principale décision, dans ce domaine, est la création des collèges du 1er cycle comme établissements séparés. Tandis que la scolarité avait été prolongée jusqu’à l’âge de 16 ans dès 1959, c’est en 1963, alors que Christian Fouchet est Ministre de l’éducation, que sont créés les C.E.S.. La même année, les Scouts de France scindent leur branche moyenne en deux, avec la création des Rangers et des Pionniers.

Ce n’est donc pas un hasard si les E.I. ressentent un besoin parallèle, qui se manifeste tout d’abord par le lancement de la promotion des cadres dont nous avons déjà parlé. Le C.N. de 1966, soucieux de la concurrence entre la troisième année de promotion et la route, envisage déjà la création d’équipes bâtisseurs, amorce d’une nouvelle branche entre éclaireurs et routiers. Cette même année 1965-1966 a lieu ce qui est sans doute la première expérience perspective « sauvage », dans le cadre d’un groupe local parisien. Tandis que la branche éclaireuse se lance à la rentrée 1967 dans une expérience d’équipes 14-16 ans, Alain Barda, qui est venu officiellement s’occuper de la Route, tire les conclusions de l’ensemble de ces expériences par la création d’une branche adolescente.

La création de la branche Perspective a plusieurs conséquences. Tout d’abord, il va y avoir substitution des Perspectives à la Route, et dès 1970, on peut dire qu’il n’y a plus de branche aînée aux E.I. en dehors des équipes perspectives. Il y a donc eu rajeunissement de l’ensemble éducatif, la seule option au-delà de 17 ans étant l’animation. Ce rajeunissement de fait de la branche aînée est une réussite du point de vue des effectifs. Même si les Pifs restèrent la branche fragile du Mouvement, caractérisée par une instabilité dans la durée de vie et les effectifs des équipes, les chiffres montrent qu’en 1975, la nouvelle branche aînée regroupe 12% des effectifs, soit cinq fois plus que le nombre de routiers dix ans plus tôt. La fragilité de la branche Perspective est due à deux causes principales. Il y a ainsi les difficultés d’élaborer une méthode propre à cette tranche d’âge. Malgré des tentatives régulières théoriques, la recette idéale n’est pas trouvée, et les équipes Pifs restent trop souvent des groupes de « copains » au programme éducatif peu clair. Et puis, il faut constater un manque de continuité dans l’encadrement national. Après le départ d’Alain Barda, il n’y a pas de permanent Perspectives jusqu’en 1974. Les deux shlih’im de l’Agence Juive, Itshak Zouzout puis Jacques Pinto, vont recevoir la charge de l’animation de la branche, naviguant à vue pour l’assumer.

La conséquence la plus directe de la création des Perspectives est bien sûr la baisse de l’âge des éclaireurs. Alors qu’au milieu des années soixante, on trouve encore des chefs de patrouille de 16 et même parfois 17 ans, les animateurs d’équipe qui leur succèdent ont maintenant quatorze ans en moyenne. Ceci a donc des suites directes sur le fonctionnement de la branche moyenne :

« Il se manifeste, au sein de la branche moyenne, un certain rajeunissement, rendant nécessaire une révision du rôle du chef d’unité (et de ses assistants), du rôle du CC/CP et un changement de méthode.

Le chef d’unité aurait une responsabilité accrue, et surtout serait davantage responsable de l’ensemble des membres de son unité, il serait plus proche de ses jeunes (la vie en clans ou en patrouilles serait donc moins autonome).

Le C.C. et le C.P. ne seraient plus des « chefs » en petit modèle, mais plutôt des « animateurs », l’ensemble des Éclaireuses/Éclaireurs d’une même unité partageant la responsabilité.»

Il s’agit là de l’abandon de l’une des conceptions fondamentales du scoutisme de Baden-Powell, à savoir le système des patrouilles, à propos duquel B-P écrivait :

« Mais le but n ‘est pas tant d’épargner de la peine à l’instructeur que de donner une responsabilité au chef de patrouille, puisque c’est le moyen de former son caractère. C’est l’affaire de l’instructeur de définir le but et les différentes patrouilles de la troupe entrent en compétition pour l’atteindre et ainsi l’esprit est tenu en éveil et le travail bien fait

Déjà en gestation avant mai 68, cette remise en question de la hiérarchie et des principes de bases du scoutisme s’accentue après les « événements ». La méthode « découverte d’Israël » consacre l’abandon du système des brevets. Les insignes disparaissent donc de l’uniforme, qui lui-même se simplifie. L’exigence d’uniforme elle-même s’assouplit, et l’on ne renvoie plus quelqu’un qui se présente à une réunion «en civil». Les titres disparaissent également. Il n’y a plus de «chefs», mais des animateurs, et il devient de plus en plus difficile de faire la différence entre un responsable d’unité et ses adjoints. La remise en cause de la hiérarchie peut aller encore plus loin, et, dans la foulée de la révolte de la jeunesse, le respect et l’admiration qui caractérisaient les relations entre chefs et responsables nationaux sont remplacés par un regard critique sur une personne qui n’est plus qu’un parmi des pairs.

La Branche louveteau elle-aussi se transforme. Faisant le constat du côté désormais désuet du thème de Mowgli et du Livre de la Jungle, Daniel Robinsohn engage la Branche cadette (nouveau nom de la tranche d’âge) dans la voie d’une transformation qui commence par l’introduction du personnage de « Yossi », décidé au C.N. de 1969 et lancé grâce au journal du même nom, dont le numéro « un » paraît au premier trimestre 1970. L’un des buts est d’introduire le monde actuel dans l’univers du jeu des Louveteaux. Cette réflexion pédagogique de la branche cadette aboutit à la suppression définitive du thème de la jungle au C.N. de 1973, les louveteaux devenant des bâtisseurs.

Faisant le bilan des transformations de la méthode scoute en 1971, Alain Greilsammer fait l’inventaire des éléments qui ont disparu :

« le code de chevalerie [...], l’indianisme [...], le militarisme [...], cheftainat, l’absence de démocratie dans les unités, les concepts de pureté, d’obéissance, etc…»

« La nature ayant horreur du vide », les E.I. du début des années 1970 sont à la recherche de ce qui pourrait remplacer efficacement ce qui a été abandonné. Si à la branche cadette, du fait de l’âge des enfants, on se dirige vers une solution relativement classique, qui ne marque pas une rupture totale avec le système précédent (Ne serait-ce que par la différence d’âge entre animateurs et animés), les branches moyenne et perspective finissent par faire concorder leurs réflexions pédagogiques avec les théories les plus à la mode à cette période: la pédagogie de la liberté, dont le succès des expériences de Summerhill banalise l’approche. Chez une partie des responsables règne un véritable enthousiasme pour cette approche d’une pédagogie non autoritaire, et, à l’approche du Conseil National de 1973, ce thème devient également une des interrogations majeures du Mouvement sur lui-même :

« En effet, on peut dire que – de tout temps – deux conceptions différentes de la pédagogie se sont heurtées :

- l’une part d’une conception donnée de l’homme bien définie et fixe : il s’agit donc de réaliser l’enfant selon ce modèle ;

- l’autre tend davantage à considérer l’enfant en lui-même et pour lui-même et vise essentiellement à faire éclore des possibilités, des potentialités. aussi incite-t-elle l’enfant à exprimer sa créativité en dehors des normes établies. C’est elle que l’on désigne par l’expression de « pédagogie de la liberté ».

Dans la réalité, les compromis entre les deux conceptions ont été fréquents – mais c ‘est surtout la conception d’une pédagogie dogmatique (définie donc en 1er lieu) qui a prévalu le plus souvent – et notamment en France – ce qui a, dans bien des cas, fait passer pour «révolutionnaires» les tentatives de mise en pratique de «pédagogie de la liberté».

(…) Il nous fallait donc réfléchir sur nos méthodes d’animation – et pour cela, un thème pédagogique a été proposé.

(…) À vrai dire, d’ailleurs, si le scoutisme a été créé, cela a été peut-être pour ne pas apporter la révolution à l’intérieur des systèmes existants : pour pallier à leur insuffisance – quelque chose d’autre a été créé – à côté. Mais de 1908 à 1973, la route est longue…, et nous conduit à deux questions :

- si l’école change – et change bien – le Mouvement de jeunesse possède-t-il encore une raison d’être ?

- la rénovation pédagogique dont le scoutisme voulait être la manifestation au début de ce siècle est-elle aujourd’hui encore, et sous cette forme, de quelque actualité ?

Le thème donc nous conduit également à reformuler notre conception du scoutisme.»

Ces quelques extraits nous montrent la critique radicale du scoutisme à laquelle sont parvenus certains des responsables, en général ceux proches de l’équipe nationale branche moyenne. D’autres, par contre, se montrent de plus en plus réticents face à ces remises en cause permanentes qui vident, selon eux, le mouvement de sa substance scoute et juive. Cette partie plus conservatrice des cadres se retrouve souvent autour de l’équipe nationale branche cadette. Deux camps se constituent ainsi, d’autant plus soudés que pendant six ans les deux responsables nationaux de ces branches, Daniel Robinsohn et Gilbert Dahan, ont su créer autour d’eux, grâce à leurs personnalités marquantes, un groupe de responsables qu’ils ont eux-mêmes formés à leur propre vision. Jusqu’en 1972, s’il existe parfois des tiraillements, la présence apaisante du Commissaire Général, Raphy Bensimon, permet de trouver un équilibre, et Daniel comme Gilbert travaillent en harmonie. Mais le départ de Raphy en été 1972 crée un déséquilibre soudain, qui va permettre l’explosion (…)

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