Marcel Gradwohl

Raymond Winter et Marcel Gradwohl, une mission inachevée

marcel_gradwohlMarcel Gradwohl,
des éclaireurs unionistes
aux éclaireurs d’Israël

UNE ENFANCE LOIN DE LA VILLE
Pfaffenhoffen : un cadre de vie agréable

C’est dans un petit village du Bas-Rhin, à Pfraffenhoffen, que Marcel GRADWOHL naît le 2 décembre 1921. Issu, comme son cousin germain Raymond, d’une très ancienne famille juive alsacienne, il est le premier enfant de Sylvain et Alice Gradwohl à survivre après les morts à la naissance ou en bas âge de ses trois frères. Ses parents, qui auront deux autres garçons par la suite – Roger et Jean-Claude – sont, comme le père de Raymond, également commerçants. Le père de Marcel est marchand de grains ambulant, tandis que sa mère tient un petit commerce de chaussures à Pfaffenhoffen.

C’est donc à la campagne que Marcel passe son enfance et entame sa scolarité à l’école confessionnelle – chrétienne – de son village. Il est néanmoins dispensé d’offices religieux en raison de son judaïsme. Parallèlement il suit des cours au Talmud Torah, qui en Alsace – en raison du nombre relativement important de Juifs – existe même à la campagne.

Par la suite, Marcel fait ses études secondaires à l’Ecole Commerciale d’Haguenau, où obtient son baccalauréat. En 1938, il est diplômé en technique commerciale et professionnelle des Établissements Pigier. Il entre dans le monde du travail la même année en tant que représentant en chaussures pour une firme importante qui, compte tenu de ses qualités professionnelles, lui garantit une situation prometteuse. Situation à laquelle il décide finalement de renoncer pour reprendre le petit commerce de chaussures familial à Pfaffenhoffen.

Un scout juif dans un mouvement protestant

C’est à peu près en même temps que son cousin que Marcel s’engage dans le scoutisme et, comme lui, il ne le fait pas au sein des EI. En effet, ce mouvement n’existe qu’en ville, c’est donc chez les Éclaireurs unionistes de France – d’obédience protestante – qui admet tout de même des jeunes d’autres religions, que Marcel entreprend sa découverte du scoutisme.

Les valeurs des Éclaireurs unionistes sont sensiblement les mêmes que celles des EI, à l’exception bien sûr de tout ce qui concerne le judaïsme. Marcel apprend donc l’importance de l’engagement dans un mouvement ainsi que les responsabilités qui incombe à un scout. Il d’ailleurs parfois l’occasion d’en discuter avec son cousin lorsqu’il se rend, avec sa famille, à Strasbourg.

En 1939, à 18 ans, Marcel a déjà un métier sérieux et est profondément engagé dans le mouvement scout. A la déclaration de guerre, il ne sait pas encore que sa vie va considérablement évoluer et qu’il devra grandir plus vite que prévu.

DE L’EXODE A LA TROUPE RACHI
La famille Gradwohl et la Débâcle

Malgré la déclaration de guerre, la famille Gradwohl reste en Alsace plus longtemps que la famille Winter car Pfaffenhoffen n’est pas évacué en même temps que Strasbourg. En effet, seuls les habitants de la capitale alsacienne sont contraints de quitter la ville. Toute la famille continue donc à vivre presque normalement jusqu’à l’occupation de Paris par les Allemands, le 14 juin 1940. Ainsi Marcel poursuit ses activités de vendeur au sein du commerce de chaussures pendant toute la durée de la mobilisation et de la guerre. Inquiet en raison des attaques allemandes mais persuadé que la victoire va sourire aux Français, aucun membre de la famille ne pense à fuir.

Néanmoins l’approche d’une défaite française est plus forte que leur patriotisme et leur amour de la France. Ainsi comprenant que la situation devient délicate pour les alsaciens – Hitler ne cachant pas sa volonté d’annexer l’Alsace – et a fortiori pour les Juifs, Marcel et sa famille quittent leur région au moment même où la capitale française tombe aux mains des Allemands. Comme nombre des leurs, les Gradwohl se réfugient dans les Vosges. C’est à Bruyères qu’ils décident dans un premier temps de s’installer pour analyser leur situation.

Mais dès le 27 octobre 1940, la première ordonnance allemande relative aux juifs est décrétée en Zone Occupée. Petit à petit de plus en plus de choses leur sont interdites : les métiers de la fonction publique, la fréquentation des lieux publics. Tant et si bien qu’au début de l’année 1941, la famille Gradwohl prend la décision de partir en Zone Libre afin de ne pas subir les persécutions réservées à leurs coreligionnaires. Leur choix d’établissement se fixe sur Montpellier afin de rejoindre, entre autres, la famille Winter.

Marcel aux Chantiers de jeunesse

Dès son arrivée à Montpellier, Marcel retrouve son cousin et l’aide dans ses activités, comme nous l’avons vu, lors de l’organisation des colonies O.S.E. et du camp EI de Fillols pendant l’été 1941. Ce travail conjoint est momentanément interrompu par l’incorporation de Marcel au sein des Chantiers de jeunesse.

En effet, le service armé ayant été interdit par les autorités nazies, l’État Français le remplaça par une formation de la jeunesse, notamment à l’ordre et à l’obéissance. Marcel n’est autorisé à quitter sa division – qui portait le nom de Groupement de jeunesse n°6 – que le 1er août 1942 [69] à peu près au moment de sa dissolution.

Son retour à Montpellier coïncide avec la traversée de la ville par les premiers trains de déportation se dirigeant vers le camp de Drancy. Leur accès est évidemment interdit par la police de Vichy mais, malgré cela, Raymond et son équipe – notamment Marcel – parviennent à s’en approcher afin de ravitailler les prisonniers. De plus et afin de remonter le moral souvent bien bas des internés, ils acceptent de transmettre aux proches de ceux-ci des messages d’adieux. Néanmoins ces agissements sont loin d’être sans risque et très vite Raymond et Marcel sont repérés par les services de sécurité. Obligés de se faire oublier de la police locale, ils se rendent à Narbonne pour continuer leur entreprise d’aide aux déportés.

Souris, c’est le nom de totem de Marcel en référence à sa petite taille et à son inlassable activité, devient très vite la «doublure et l’adjoint de Raymond». (cf. notes) Quand ce dernier passe dans la clandestinité, c’est tout naturellement que Marcel le suit ; sa volonté de venir en aide aux Juifs traqués étant aussi forte chez les deux cousins. Ainsi, quand Raymond Winter devient responsable de la région de Montpellier sous les ordres de Henri Wahl (Chamois) et de Ninon Weyl-Haït, Marcel Gradwohl entre aussi dans la Sixième en tant que responsable d’un secteur dépendant de la région de son cousin.(cf. notes)

Email this to someoneShare on FacebookTweet about this on TwitterShare on Google+Pin on Pinterest