La désastreuse bataille de France venait de s’achever. Hitler coupa le pays en deux. Il en occupa une partie et laissa s’installer dans la « zone libre » un gouvernement français sur lequel il veillait et qu’il surveillait…
Ce qui restait de l’armée française était disloqué, dispersé.
Gamzon se trouvait devant un dilemme : son tempérament combatif le poussait à poursuivre la lutte armée en allant rejoindre le général de Gaulle à Londres. Son sens des responsabilités et sa conscience juive exigeaient qu’ils restât au pays pour s’occuper de ceux qu’il avait pris en charge. Il décida de rester.
Voici quelques notes prises par un adjoint de Castor, devenu, depuis, un de ces « kiboutzniks » cultivés, courageux, efficaces dont Israël s’honore :
« Clermont-Ferrand, Juillet 1940. Nous sommes encore tous les deux en uniforme, Castor et moi. Sur son uniforme de lieutenant du génie, le ruban de la Croix de guerre.
Mais ce n’est pas d’exploits de guerre que nous parlons dans cette chambre de « réfugiés ». Nous parlons avenir… Nous savions déjà, nous sentions, longtemps avant la parution des textes et l’apparition de la Gestapo, que la vie des Juifs serait menacée… »
Redevenu Commissaire National des E.I.F., Castor réunit son « staff » à Moissac (nom prédestiné) où se trouvait la principale maison d’enfants évacués. On y entérine le programme élaboré à Clermont-Ferrand, à savoir : l’extension en zone libre de ces refuges pour les petits, mais aussi et surtout la création de centres ruraux juifs.
Castor distribue des ordres de mission. Ses adjoints, actifs et silencieux, se répartissent les tâches. On constate que le Mouvement, mis au point au cours des dix dernières années, « s’est aussitôt transformé en instrument de défense et de combat. »
La débacle ayant entraîné un grand déplacement de population, des groupes d’éclaireurs se constituent dans toutes les villes du sud de la France où se sont installées des familles juives. Les enfants des homes collectifs sont déjà organisés en unités scoutes, ce qui les aguerrit et les prépare à la clandestinité.
Ah, ces enfants juifs du temps de guerre et de persécution ! Quelle inoubliable leçon ils ont donnée aux adultes qui les approchaient ! Ils flairaient le danger les tout premiers, comprenaient à mi-mot, exécutaient les ordres avec une sorte d’allégresse mystique. Comment oublier ce premier Ticha be Av (jeûne commémorant la destruction des deux Temples de la Jérusalem antique) après la débâcle ?
Tous les garçons voulaient jeûner, malgré les appels des moniteurs à la modération. Le matin, en plein champ, on avait évoqué la destruction du Temple avec toute la gravité que commandaient les circonstances. Mais l’après-midi on reconstruisit tout : la maison de Dieu, la communauté juive, le pays d’Israël ; cela avec un entrain redoublé et sans vouloir absorber une bouchée de pain ni une goutte d’eau…
L’arrivée de Castor était chaque fois une fête pour les enfants. Il était pour eux le Grand Chef, mais aussi le protecteur et un peu le copain. Assister à une conversation entre le Commissaire et quelque jeune était un régal. Père et fils, maître et disciple, aîné et cadet, on avait devant soi toutes ces images à la fois, révélant une confiance et une affection mutuelles.
Le samedi qui suivit Ticha be Av et qui est appelé Chabbat Nahmou (Chabbat de la consolation), Castor participa à l’ONEG (réunion Chabbatique) des enfants. Le temps était radieux. On s’en alla à travers champs pour s’installer au bord d’une paisible rivière. Il y eut, comme toujours, les airs du 7e jour entonnés en choeur. Puis Castor lut un chapitre de l’ouvrage devenu son livre de chevet : « Le Juif aux Psaumes » de Chalom Asch.
Ce chapitre s’intitule : « Maman quotidienne et maman Chabbat ». Il s’agit des sentiments que Jehiel, le petit Juif polonais, éprouve pour sa mère. Le garçonnet est tourmenté par la différence entre l’aspect que présente sa mère les jours ouvrables et la grâce dont elle est parée dès le vendredi soir.
Finalement il comprend : à cause de l’exil du peuple juif, sa mère est condamnée, la pauvrette, à se changer en une maman quotidienne, avec son visage dur et soucieux, sa tenue quelconque, ses mille et une servitudes. Mais quand viendra le Messie, il n’y aura plus, pour l’éternité, qu’une seule maman qui sera resplendissante : celle du Chabbat !…
Cette lecture se fit dans un silence impressionnant. Castor y mit toute sa dilection. Bravement il tint jusqu’au bout; seule la dernière syllabe lui resta dans la gorge…
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On était entré dans une nouvelle période : celle de la défaite. Apparemment rien n’avait changé. L’occupant se montrait « correct » (comme on le répétait complaisamment à la ronde), ce qui rendait la population confiante au point que certains parents juifs, habitant la zone nord, venaient reprendre les enfants que les E.I. avaient mis à l’abri des bombardements.
Pourtant des indices, de plus en plus fréquents, filtraient dans la presse et à la radio, qui annonçaient les persécutions redoutées.
Sur une des collines qui entouraient Moissac, Castor avait organisé un camp de chefs scouts. Cela rappelait une période de service militaire, mais la portée spirituelle de cette rencontre était exceptionnelle. On passa là une dizaine de jours en pleins bois ; dormant sous la tente, installé pour les repas sur des bancs et devant des tables confectionnés avec des branches d’arbres, assis, pendant les séances, sur l’herbe ou dans des hangars abandonnés.
Mais quel programme ! Et quelle atmosphère !
Là se sont révélés quelques jeunes du monde scout (chefs et cheftaines) frisant la perfection. Celui qui se présente d’emblée à la mémoire, c’est Simon Lévitte « l’homme-horaire » du stage. Il s’avéra simplement prodigieux en tant qu’organisateur et responsable du déroulement harmonieux des diverses activités. De haute stature, toujours impeccable dans sa tenue scoute classique qui lui donnait l’air d’un grand seigneur s’occupant de sa résidence de campagne, il était le premier levé et le dernier couché. Il n’a donné, je crois, aucun cours aux stagiaires, bien qu’il eût les connaissances et la compétence voulues pour les donner tous…
Nous nous surprenions parfois à le regarder faire : une vraie horloge, mais une horloge pensante par la ponctualité efficace, intelligente, unanimement appréciée, qui accompagnait tout son travail. C’était l’esprit de service fait homme, avec le tact, le sérieux, l’élégance, la discrétion et la minutie apportés à une tâche d’autant plus difficile qu’elle s’accomplissait dans des conditions volontairement primitives.
Cette tâche, apparemment d’importance secondaire, constitua une leçon imprévue pour tous les participants. Une fois sa mission accomplie, Simon Lévitte, assidu et silencieux, se replongea dans le Centre de documentation qu’il avait créé de toutes pièces dans la Maison d’enfants de Moissac. On devine tous les autres services que cet homme a pu rendre plus tard, au cours des années noires.
Sur ces mêmes collines commença, symboliquement, un travail de défrichage. On avait adopté le mot d’ordre : défrichons ! Et cela en vue des centres agricoles qu’on allait inaugurer. Il y en eut d’emblée trois : le principal se situait à Lautrec, près de Toulouse, un autre dans la région de Lyon et un troisième au-dessus de Moissac. Ce sont les éclaireurs qui en devinrent les premiers membres, mais d’autres jeunes se joignirent à eux.
Il se trouvait que ces chantiers agricoles entraient dans les desseins du gouvernement de Vichy. Celui-ci, pressenti par Gamzon, ne put refuser aux scouts israélites, l’aide officielle fournie aux institutions similaires nouvellement établies un peu partout dans le pays.
Les scouts, en général, étaient bien considérés par le nouveau régime. Aussi Castor ne cessait-il de se réclamer du « Scoutisme français » pour l’obtention de l’appui matériel nécessaire à la marche de ses centres. Ceux-ci devinrent des modèles du genre, en dépit des conditions de travail parfois extrêmement difficiles : terrains pierreux ou en pente, équipement insuffisant, main-d’oeuvre inexpérimentée.
Les services gouvernementaux étaient sans doute persuadés que nous ne tiendrions pas longtemps dans nos entreprises rurales. Ils ne savaient pas que le miracle se renouvelle chaque fois que les Juifs reviennent à la terre. Ces derniers, contre toute attente, réussissaient, en montrant aux Français que leurs concitoyens juifs étaient capables de faire fructifier le sol du pays.
Les paysans voisins en furent étonnés, eux aussi. Ils regardaient d’abord avec méfiance ces jeunes citadins venus, pensaient-ils, flirter avec le travail des champs, mais peu à peu, ils se mirent à les prendre au sérieux.
D’autant que Castor n’était pas de ceux qui s’acquittent d’un travail comme d’une corvée, qui laissent volontiers l’ouvrage inachevé, espérant que d’autres feront le reste. Il aimait commencer et finir convenablement toute chose. Cette satisfaction du travail bien fait, il tâchait de la transmettre à ses jeunes compagnons. Et il y arrivait bien souvent.
Les inspections d’experts l’ont confirmé. Car on n’a pas manqué de nous envoyer des officiels pour se rendre compte du travail que fournissaient nos jeunes. On visita ainsi les trois chantiers E.I. que l’on trouva en pleine activité, et prospères ! ; alors que l’on aurait sans doute tant désiré en constater la faillite !
Quand les fonctionnaires vichyssois vinrent sur les hauteurs de Charry, près de Moissac, ils voulurent aussi visiter la maison d’enfants d’en bas. On leur dit qu’une chorale y avait été créée, ce qui les amusa fort.
Ils demandèrent à entendre ce que ces petits Juifs pouvaient bien chanter par le temps qui courait. A leur grande stupéfaction, l’ensemble vocal leur offrit un extrait de « Juda Maccabée », l’oratorio de Haendel. Garçons et filles en chemisettes et corsages blancs, jupes ou culottes bleues, se rangèrent en bon ordre. Puis, de toutes leurs voix et de tout leur coeur, ils lancèrent à la face des visiteurs cet appel triomphant :
« Lève la tête, Peuple d’Israël,
Que ce chant de fête,
Monte jusqu’au ciel ! »
Les inspecteurs eurent, malgré eux, un mouvement de recul, se regardèrent gênés, et quittèrent les lieux en marmonnant des compliments…
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Durant les deux premières années de l’occupation, les centres ruraux et les maisons d’enfants comptaient parmi les grands privilégiés. On les laissait fonctionner presque normalement. Il n’en était nullement de même quant à la population juive dans son ensemble.
A celle-ci on s’en prenait méthodiquement, graduellement, à la manière germanique. De la zone occupée arrivaient depuis longtemps des nouvelles alarmantes. Les mesures antijuives décrétées là-bas, peu après la débâcle, allaient être prises aussi, à plus ou moins longue échéance, dans la zone libre. Il faudrait donc y parer au fur et à mesure des événements.
L’occupant avait exigé la création, dans les deux zones, de l’Union Générale des Juifs de France : l’UGIF (ou le Judenrat). Longtemps les E.I.F., comme les autres organisations juives, débattirent sur l’opportunité d’y entrer. Finalement, une décision positive fut prise et c’est naturellement Gamzon qui y fut délégué.
Le contact avec les coreligionnaires responsables était à la fois utile et attristant. Toutes les misères juives, toutes les félonies de l’occupant, de même que l’obédience de Vichy, se reflétaient dans cette UGIF, et mettaient tout le monde mal à l’aise.
On s’y sentait protégé à court terme et menacé de mort à la longue. L’Allemand s’en servait comme d’un instrument qui lui facilitait son oeuvre destructrice. Les membres de l’UGIF, eux, tentaient de gagner du temps, de sauver ce qui pouvait encore l’être, bien que, peu à peu, leur conformisme s’avérât néfaste.
Gamzon revenait souvent déprimé des séances de l’UGIF. Autrement affligeantes étaient ses visites à Vichy après lesquelles, il s’empressait de gagner un des principaux centres E.I. Dès qu’il se retrouvait seul avec ses intimes, il laissait éclater sa colère et sa révolte. Ce jeu constant du chat et de la souris, comment allait-il finir ?
La marge de manoeuvre se rétrécissait de jour en jour. Pour une nouvelle quelque peu rassurante, pour un avantage laborieusement acquis, que de brimades de funeste augure ! Tout ce que l’on pouvait faire, c’était de replâtrer, de soulager quelque souffrance qui ne tardait pas à reparaître ailleurs plus aiguë encore et exigeait de plus grands moyens. Où les prendre, ces moyens, et combien de temps pourra-t-on tenir ?
On serait en droit de se demander pourquoi diable Castor passait un tiers de son temps auprès de ces Messieurs de Vichy, dont l’hostilité envers les Juifs se manifestait de plus en plus clairement. Ces contacts étaient pourtant inappréciables.
Outre les multiples démarches pour obtenir autorisations et subsides, Castor s’acquittait d’une tâche souterraine particulièrement délicate et dangereuse, mais d’une importance capitale pour la communauté juive tout entière : il s’assurait le concours d’hommes de confiance qui le prévenaient à temps des rafles prévues.
Ainsi s’était constitué, dans diverses préfectures, et à Vichy même, un service de renseignements qui a fonctionné pendant presque toute la durée de l’occupation et grâce auquel nombre de nos jeunes (d’adultes aussi) ont eu la vie sauve.
Par ses relations avec les autorités et le contact maintenu avec les dirigeants juifs, Castor contribuait à l’oeuvre de secours sur divers plans.
Déjà vers la fin de 1940, des appels de détresse venaient des camps de concentration installés à Gurs et à Rivesaltes, dans la région des Pyrénées. On y avait enfermé des Juifs allemands démunis de tout. Aussitôt Castor battit le rappel et sept cheftaines se rendirent là-bas en tant qu’assistantes sociales agréées par la direction du camp. Donc victoire !…
Tout de suite après, autre alerte. Le gouvernement de Vichy venait de décréter l’élimination des enseignants d’origine juive. Quantité d’intellectuels étaient ainsi jetés sur le pavé. Parmi eux, certains s’avouaient complètement déjudaïsés. Jamais il ne leur était venu à l’idée qu’un jour ils souffriraient en tant que Juifs, eux qui ne se sentaient plus juifs du tout…
Cependant, la communauté juive, qui ne les avait pas reniés, se gardait bien de les repousser maintenant. Depuis toujours, elle accueillait dans son sein ceux de ses fils que le malheur lui restituait. Une aide intelligente et efficace fut entreprise en zone libre, à Lyon notamment, sous la direction de Léon Algazi. Elle consistait à rémunérer les intéressés pour le travail qu’ils fournissaient, travail édifiant de surcroît.
En effet, afin de les occuper dignement et fructueusement, on demanda à chacun de ces professeurs, de préparer ; selon le domaine et le niveau de chacun ; un texte sur une personnalité ou un courant de pensée judaïque. Ce fut une révélation pour bon nombre de nos frères de misère qui, sachant beaucoup de choses sur les autres groupes humains et presque rien sur le leur, étaient enfin initiés à la pensée, à la science et aux lettres juives.
Gamzon eut à coeur de participer à cette aide et à cette initiation. Il le fit à sa manière. Avisant un certain nombre de jeunes professeurs révoqués qui, plus tard, entrèrent dans les centres agricoles E.I., il les convia à un camp scout organisé sur le littoral méditerranéen, tout près de Beauvallon, charmant village méridional habité par Edmond Fleg. Quinze jours durant, Beauvallon fut un centre d’études où la plupart des participants (qui avaient été juifs sans le savoir) vécurent aux côtés de Juifs, savants, militants ou simplement conscients de leur judaïsme.
La rayonnante personnalité d’Edmond Fleg dominait ce stage insolite auquel il conférait sa naturelle et affectueuse distinction ; le jeune rabbin Samy Klein révélait aux participants la science juive ; Léo Cohn, plus « Léo-’hassidique » que jamais, maintenait la joie et la chaleur dans les offices et les moments de loisirs ; l’avocat Léonce Bernheim faisait connaître sa riche expérience de militant sioniste.
Quant à Robert Gamzon, il avait simplement rajeuni. Déchargé pour un temps de ses responsabilités, de ses épuisantes fonctions habituelles, il faisait plaisir à voir dans sa tenue légère de scout en vacance, chantant, dansant, discutant, accourant aux réunions en plein air avec cet entrain juvénile qu’il communiquait à nous tous.
C’est là qu’il fit une série d’exposés intitulés « Harmonie » où il démontrait l’unité et l’accord profonds de la foi et de la pensée juives.
Chaque matin on montait les couleurs nationales, comme avant la guerre. Le régime en vigueur ne nous était pourtant guère favorable et les « enfants prodigues » à qui nous devions ce stage, constituaient les premières victimes de cet « ordre nouveau ». Ah, si le monde savait à quel point les Juifs, dans leur immense majorité, prennent au sérieux leur rôle de citoyens ! « La loi du pays que vous habitez est la loi ! » avaient décrété nos sages à l’aube du Talmud… Et l’on s’y tient toujours !
Gamzon restait fidèle à la loi de son pays, même quand un matin, on lui apporta le Journal Officiel qui spécifiait que, en vertu des prescriptions racistes, le lieutenant Robert Gamzon n’était plus officier français. « Cela m’a fait un coup, soupira-t-il, et pourtant ils se sont bien battus, les officiers juifs ! » Il ne se sentit pas moins français pour cela, mais son devoir envers ses frères juifs qui souffraient, ne lui en parut que plus impérieux.
Beauvallon marqua un sommet dans cette période entre la débâcle de l’armée française et l’écrasement de la population juive demeurée en France. Il y eut encore de longs mois de tranquillité relative qui furent mis à profit. Les centres agricoles devenaient, à l’occasion, des centres d’accueil. On y cultivait la terre, mais aussi l’esprit.
A Lautrec, quartier général des E.I.F., fleurissaient les cercles d’études bibliques et talmudiques, sans parler des techniques polyvalentes. Il en était de même à Talluyers. Moissac était réputée pour son dynamisme. Souvent les « défricheurs » du chantier de Charry (connu dans nos milieux pour sa pédagogie et son ambiance « ‘haloutzique » descendaient et se joignaient aux enfants du home pour célébrer ensemble telle solennité.
Les « mercredis littéraires » de Moissac réunissaient non seulement les pupilles de la maison, mais encore les Juifs réfugiés dans les environs, pour qui ces soirées étaient un régal. Ils se croyaient pour un moment revenus au bon vieux temps !
Une autre maison d’enfants installée à Beaulieu, en Corrèze, constituait elle aussi un foyer spirituel. Elle était dirigée par une pédagogue émérite dont le mari, Jacob Gordin, penseur original et profond, marqua de façon durable les jeunes chefs E.I. du temps de guerre et de l’après-guerre immédiat.
Repliés sur eux-mêmes, ces Juifs français, occasionnellement et discrètement groupés, continuaient à nourrir leur espoir en maintenant vivant le culte et la culture de leurs ancêtres.
Tout en travaillant vigoureusement la terre qu’on leur avait concédée et tout en faisant lever le meilleur blé, le plus abondant maïs de la région, ils ne se laissaient ni endormir par ce qui ne pouvait être qu’un répit, ni abalourdir par le dur travail des champs, ni désespérer par les nouvelles qui parvenaient de l’autre côté de la ligne de démarcation. Ils savaient bien qu’un jour ou l’autre ce serait leur tour…