Commentaires

rabbi_2Voici maintenant quelques commentaires ou notes, qui pourront vous servir dans vos explications, ou discussions sur la Téfila. Il s’agira pour vous, bien entendu, de les adapter au niveau de votre unité. D’une manière générale, ces notes partent d’éléments fournis dans la Téfila, éditée par le Mouvement.

ADONE OLAM

Il est question d’« immanence » et de « transcendance » – mots bien compliqués, mais qui veulent, sans affadissement, approcher la description d’une réalité. A « transcendance », on peut substituer, dans le cas de ce texte, éloignement, altérité : réalité transcendante – en tant que différente de soi, étrangère à soi. L’immanence, ici, c’est encore la proximité, l’intériorité. Cette idée de l’absolu, je peux aussi bien la trouver à l’extérieur de moi : il s’agit alors des lois, d’une manière générale; ou bien à l’intérieur de moi, en tant que ma conscience est concernée.

Adone Olam apparaît ainsi comme une « exposition » au sens musical du terme, comme une ouverture de la Téfila, donnant les deux directions possibles de la recherche, de la réflexion : l’extérieur, l’intérieur. Il faut noter que plusieurs communautés séfardies utilisent ce texte commun.

Conclusion : il est alors conçu comme l’expression d’un aboutissement : l’harmonie réalisée entre ce qui est extérieur et ce qui est intérieur à la personne humaine.

ELOHAY NECHAMA

Autre texte introductif particulièrement important. Il appartient nettement à la première partie de la Téfila, et exprime l’éveil progressif de la personne.

(Mon âme) tu l’as créée
Le maître de toutes les créations
(Mon âme) tu l’as formée
Le seigneur de toutes les âmes
(Mon âme) tu l’as mise en moi
Le sauveur de toutes les créatures

Son aspect tripartite s’explique par un recours à la psychologie traditionnelle, considérant en l’âme plusieurs parties (âme végétative, âme sensitive, pensée). Chacune de ces parties s’éveille donc tour à tour.

BAROU’H CHEAMAR

Ce texte est difficile. Il s’agit d’un essai de caractérisation de la «réalité divine», non saisissable par l’homme dans sa globalité – mais perceptible par certains de ses «côtés», de ces aspects. Le texte est donc une énumération de quelques-uns de ces aspects, parmi ceux que la tradition a retenus le plus volontiers:

1. Véhaya ha’olam – ‘osse be’Reshit : idée de Création (la conception d’un monde créé implique un principe d’essence supérieure, unique).

2. Omer vé’ossé – gozer oumkayem : idée d’unité : l’intention et l’action forment un tout indissociable.

3. Mera’hem ‘al haarets : idée d’amour.

4. Mechalem sa’har tov liréav : allusion au monde futur (en l’homme un principe immortel, qui, précisément dépasse l’absurdité de la mort).

5. ‘hay la’ad vekayam la’ad : réflexion sur le temps et l’éternité: non pas éternité «philosophique» (totale absence de mouvement) mais «existence» éternelle.

6. podé oumatsil : possibilité de situations nouvelles. Nul n’est marqué, défini, même par les actions effectivement faites ; il est possible d’évoluer de changer.

7. barou’h chemo : irruption de cet «absolu» dans notre vie : il n’est pas un principe métaphysique, mais se trouve être la «source» de nos actes.

YOTSER

La lecture du Chéma est encadrée de deux textes. Le premier s’appelle Yotser (« il forme »), d’après le texte de la première bera’ha qu’il contient. Le Yotser comporte trois berakhot.

La première Bera’ha (Yotser or ouboré ‘hochekh : il forme la lumière et crée l’obscurité) introduit le thème de l’unité : il n’y a pas deux principes qui s’opposent : le Bien et le Mal (ceci conduirait au « dualisme »). Mais une seule « source » qui dispense une force que l’homme utilise bien ou mal.

Conséquence : le mal n’est pas quelque chose de définitif, qui condamne sans appel: il peut y avoir « retour » (téchouva) au bien.

La deuxième bera’ha (Yotser haméorot) contient l’idée de kedoucha de transcendance.

Egalement idée d’une « lumière » constamment renouvelée : la Création n’est pas la mise en branle d’un mouvement perpétuel, mais quelque chose de constamment animé où il est possible de voir l’action d’un Principe supérieur.

La troisième bera’ha est axée sur le lien d’amour, entre l’Absolu et l’homme, plus spécialement le peuple « choisi », Israël. D’une part est affirmée la définition historique de « Dieu »: ce n’est pas une entité, abstraite mais une force qui s’est manifestée dans une Histoire à laquelle nous déclarons appartenir.

D’autre part la notion de peuple choisi n’a pour fondement aucune «supériorité» intrinsèque du peuple élu, et encore moins pour conséquence une vie délivrée de souci. Au contraire, l’acceptation de ce choix entraîne à assumer une mission qui vient s’ajouter à celles que tout homme se doit d’accomplir.

Tous ces thèmes introduisent donc ceux du Chéma.

CHÉMA

Le Chéma est composé de plusieurs textes tirés de la Tora :

la phrase initiale : l’unité et l’unicité divines

le premier paragraphe : l’amour de Dieu (v. dans la partie « thèmes fondamentaux »)

le deuxième paragraphe : le bien et le mal

le troisième paragraphe : la Promesse de la Terre, les Tsitsit (Nombres 15, 37, 41)

La phrase initiale : la richesse de son contenu est telle que les interprétations en sont multiples, et ne se contredisent pas. On peut la comprendre à un niveau « métaphysique », méditation sur l’unité absolue de Dieu.

  • À un niveau « philosophique » : il n’y a qu’un Dieu. Donc toute idolâtrie est vaine, quel qu’en soit l’objet : une idée, une personne, un pays et quelle qu’en soit la forme (nombreuses sont les idolâtries aujourd’hui).
  • À un niveau « sociologique » (Rachi) : Dieu sera véritablement UN quand les nations de la Terre seront unies et auront connu la Vérité.
  • À un niveau « moral » : dire que Dieu est UN, c’est éliminer de soi toute ambiguïté, toute contradiction (parole/pensée, parole acte).

Il est intéressant de signaler qu’aux yeux des commentateurs ce n’est pas l’interprétation métaphysique qui est la plus importante.

Le premier paragraphe expose le problème de l’Amour que l’Homme doit porter à Dieu :

  • La relation homme/Dieu ne doit pas être fondée sur la « crainte » et encore moins sur un acquiescement philosophique. C’est l’être tout entier qui est engagé, spirituel, sentimental et physique.

Le deuxième paragraphe traite de la rémunération du bien et du mal.

  • Dieu étant UN, il n’y a pas deux principes – le Bien et le Mal.
  • L’homme ne doit pas agir pour le Bien en vue d’une récompense, mais tout mal entraîne automatiquement, physiquement une «sanction» (non pas divine, mais ipso facto).

Le troisième paragraphe contient deux idées :

  • Le lien de l’accomplissement des mitsvot avec Eretz Israël
  • L’idéal de « sainteté » que nous rappellent les tsitsit.
ALENOU

Ce passage a été extrait de la prière de Moussaf de Roch Hachana où il sert d’introduction à la partie des Malkhouyot pour être intégré à la prière quotidienne. Ce complément a été effectué assez tardivement aux environs de 1300. Les sources n’en mentionnent pas de raison particulière, mais l’auteur Torai Zahav pense que ce passage devait être récité à la fin des prières pour que, à l’instar des pieux des anciens temps (Ber. 32b) les fidèles ne quittent pas le lieu des prières immédiatement mais y demeurent encore quelques temps après la clôture formelle des oraisons.

«D’autres exégètes plus récents émettent l’opinion que l’idée élevée de la prière de Alénou, développant la future union de tous les êtres humains dans l’adoration commune du Dieu-Un ne doit pas rester absente de la prière journalière.

On a choisi à cet effet la fin des prières pour faire apparaître sous leur véritable jour tous les passages antérieurs prêtant a équivoque, où l’on demande à Dieu le châtiment de nos ennemis.

La prière suprême d’lsraël n’est pas l’anéantissement des innombrables persécuteurs qui rendirent si amères ses pérégrinations à travers l’histoire, mais bien au contraire, Israël prie que «nous puissions bientôt contempler la splendeur de la puissance divine, que tous les faux dieux et les idoles disparaissent de la surface de la terre», car ils sont la cause de tous les égarements des êtres humains.

Alors, les Rachaeiy Arets, les impies eux-mêmes reviendront à Dieu et le serviront, «en fléchissant leur genou et en rendant hommage à sa gloire».

Ainsi la prière de Alénou est-elle au nombre des morceaux les plus significatifs de notre rituel de prières. Dans la première partie, elle exprime le profond contraste entre notre prise de conscience de Dieu, notre attitude à son égard et nos rapports avec lui, et la conception matérialiste des autres fractions de l’humanité.

Mais dans la seconde partie, ‘Al ken nécaveh, elle traduit la confiance en l’avènement du retour à Dieu de tous les hommes. Nous exprimons le voeu que ce retour s’opère bientôt et devant nos yeux.

Notons qu’à la lumière de l’enseignement juif une telle apothéose ne signifie point la conversion au judaïsme de l’ensemble de l’humanité, mais plutôt sa conversion aux idéaux de la vie morale et au service du Dieu-Un, Maître du ciel et de la terre.» 

(E. MUNK, le monde des Prières p 223 – 3)

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